66 millions de fatigués

La fatigue est une expérience humaine universelle – #jefatiguedoncjesuis – mais sommes-nous actuellement tous (si) fatigués et sommes-nous fatigués différemment des générations précédentes ?

La fatigue est réelle pour près d’un Français sur 2[1]

La fatigue ordinaire, induite par nos activités quotidiennes et normalement réversible, concerne toutes les sphères de nos vies : familiale, sociale, professionnelle … Pourtant elle fait l’objet de peu d’investigations. La dernière grande enquête est celle d’IPSOS réalisée en 2000.

On en parle surtout pour certains secteurs professionnels, mais pourquoi ne seraient-ils pas tous touchés ?

La fatigue personnelle vient au deuxième rang des raisons invoquées pour expliquer « l’absence psychologique » au travail déclarée par 74% des salariés enquêtés.[2]

Des soignants ont répondu à notre appel à rédiger une « Lettre à ma fatigue ».

Salut Fatigue

Fatigue, mais quel tour me joues-tu ! Je ne comprends plus rien.

Je suis devenue ennemie et inconnue à ce corps. 
Courageuse et tenace,  je suis incapable de faire un geste.
Mes forces sont anesthésiées et mes muscles sont atrophiés. 
Je suis comme paralysée et mon cerveau déconnecté.
Je m ‘attendais pas  à vivre ce fracas.  

Je suis comme « un crabe qui se carapate devant l’adversaire. » 
J’abdique !!! 

Fatigue, tu as gagné le travail m’est contre-indiqué. 

Je ne peux plus moi qui nageais sans crainte à contre-courant.
Je me déglingue physiquement et mentalement. 
Je suis honteuse d’être dans cet état. 
La peur se rajoute à mon effroi. 
Moi, me retrouver de l’autre côté.
[…]
Une nuit, Fatigue, j’ai vu une lueur au bout d’un tunnel. 
Tu as voulu prendre mon âme. Mon corps se détachait de mes pensées.
Je réalise alors l’importance de rester auprès des miens et ne pas me laisser aller au chaos.  
Je me reprends ce n ‘est pas  le moment. Ma mission n’est pas achevée. 
C’est un électrochoc. Un défibrillateur interne me donne l’ordre de me ressaisir. 
Je me rattache à l ‘essentiel de ma vie.  A « Celles » qui ont fait mes petits bonheurs et ma joie depuis leurs naissances.

Fatigue,  tu ne peux gagner à chaque fois. 

La foi de me reconstruire me  fait renaître.
Bringuebalante et chancelante,  me revoilà réapparaître dans le milieu familier du travail.
Ca paraît insupportable d’imaginer le regard des autres quand il se pose sur moi. 
L’empathie, la pitié.  Y a –t-il  toujours ces regards sournois et vénéneux ? 
[…]
Deux hommes sont là à mon retour, l’un « Un grand homme » est silencieux m’enveloppe de toute sa bienveillance. L’autre « réconfortant » m’accompagne pour  rebondir, remonter du trou noir.

Peu à peu, l ’Horizon parait plus clair. 

A présent Fatigue,  j’aimerais te remercier pour  ce geste d’amour,  de  m’avoir rappelée à l’ordre. J’écouterai tes signes  et n’attendrai plus d’atteindre le fond. 

La fatiguée de service

La fatigue est présente dans une majorité de maladies chroniques.

Cette fatigue est dite “chronique”, car elle dure des mois, des années. On la qualifie d’anormale, de pathologique, car elle n’est pas facilement réversible par le repos ou le sommeil. Elle est souvent associée à une inflammation chronique et pourrait être liée à une immunité dérégulée[3].

Maladies inflammatoires, auto-immunes, neurodégénératives, maladies rares, cancers, etc. : le fardeau de la fatigue se cumule avec les autres symptômes, sans faire l’objet d’autant d’attention que ceux-ci. La pandémie a mis en lumière la fatigue post-virale, qui est le symptôme le plus fréquent chez les malades avec des symptômes persistants de la covid-19 [4] et persiste chez 60% des malades rétablis.[5] Pourtant le syndrome de fatigue post-virale, classifié comme maladie neurologique par l’Organisation Mondiale de la Santé, reste méconnu et mal pris en charge.

[1] enquête IPSOS 2000
[2] enquête IPSOS pour OURCO 2019
[3] Trautmann A. 2021
[4] Van Herck et coll. 2021
[5] Grover et al. 2021

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